LISEZ AL HOGRA de Abderrahmane Zenati.

LISEZ AL HOGRA de Abderrahmane Zenati.

Dans ce livre, cet artiste peintre ose nous révéler, avec une vérité pure et dure, les origines de l'animosité entre Algériens et Marocains à Oujda durant le Protectorat Français. Son témoignage peut choquer, piquer, voir irriter certains..

Extrait :

« — Dalila, ma chérie, tu sais très bien que jusqu’ici, et depuis fort longtemps, à Oujda, le courant passe difficilement entre les Marocains et certains Algériens dévoués à la France ! Tu sais que depuis le début du Protectorat, un certain ordre de choses s’est établi faisant du Marocain, à quelques exceptions près, un être méprisé et rejeté. Il est soumis à l’injustice des Français et surtout à celle de son «frère» Algérien qui est lui même avili et humilié par la France dont il est le serviteur en tout lieu et en toute chose. La France a tout faussé. L’ordre est inversé. Non seulement le Marocain qui est propriétaire de ce pays n’a aucun droit, mais il s’appauvrit de jour en jour, alors que l’Algérien jouit de tous les privilèges et s’enrichit sur le dos de notre peuple.
— Madad, j’ai comme l’impression que tu exagères un peu. Tu me donnes le sentiment que c’est toi qui n’aimes pas les Algériens. N’oublie pas que je suis une Algérienne. Explique-moi, Madad. Je ne comprends rien, se lamenta Dalila.
— Bon, je t’explique. A Oujda et partout au Maroc, l’Algérien est devenu l’allié de la France par l’ordre établi, l’ordre de la force. La France a fait de l’Algérien, dans notre pays, son interprète, son interlocuteur et son bouclier contre le Marocain. Ce «privilège » a fait croire à certain de tes compatriotes qu’ils sont réellement plus doués, plus intelligents, plus importants que leurs frères marocains. Or, lorsqu’on croit aux valeurs de l’Humanité, lorsqu’on croit à la justice et à la fraternité, qu’est-ce qui peut nous différencier, toi et moi ? Ce ne peut être que la valeur intrinsèque. Tu es musulmane, je le suis autant que toi, tu as droit de la part de la France aux bons de ravitaillement et à différentes choses pour vivre en ces temps de famine et moi pas. Où est donc la différence, si ce n’est que tu appartiens au clan des favorisés, des privilégiés et moi à celui des opprimés ? Sur ce chapitre-là, cependant, rien n’est définitif, tout est conjoncturel. La France, qui nous divise et qui est riche de plusieurs colonies, s’est retrouvée un jour, elle-même, dominée et occupée par l’Allemagne. Elle s’est défendue. Et grâce au sang de milliers de Marocains et d’Algériens… grâce au sang des Africains en général, souvent ralliés par force, elle s’est libérée, parce qu’elle avait trouvé que le sort qui lui était fait par l’occupant allemand était injuste. Pense-t-elle au sort qu’elle fait elle-même subir à nos peuples ? Et que se passe-t-il aujourd’hui ? Nous les Marocains, pour ramener notre Roi sur son trône, nous avons pris les armes contre la politique injuste de cette France arrogante. Nous voyons partout aujourd’hui des attentats dans les villes et des embuscades dans les montagnes de l’Atlas, mais aussi des arrestations, la torture etc. Et cela ne fait que commencer. Un jour peut-être, les Algériens qui restent fidèles à leur pays prendront les armes aussi pour libérer leur terre, car contrairement à ce qu’on vous a appris à l’école, l’Algérie n’est pas une terre française. C’est une terre de la Grande Nation Musulmane. Vos ancêtres n’ont jamais été, à Dieu ne plaise, Gaulois.
— Prendre les armes contre la France ! Quelle idée ! S’étonna Dalila. La France est un pays fort. As-tu une idée de ce que c’est l’armée française ? As-tu conscience de ses avions, de ses bateaux, de ses chars, de ses canons. Crois-tu vraiment que quelques fusils de fantasia ou de chasse auront raison d’elle ? »